jeudi 25 février 2016

MAX ASPIN - THE REAL MAD MAX


Juillet 1981, quelque part dans le désert australien, on tourne une cascade dangereuse pour la suite de Mad Max. La voiture s’élance, arrive à toute vitesse sur la rampe et fait un bond dans les douves qui entourent le campement des pionniers. La cascade semble réussie mais le conducteur, Max Aspin, n’a que faire des félicitations des techniciens et va directement voir le réalisateur, George Miller. Aspin juge sa performance pas assez spectaculaire et souhaite refaire la cascade. C’est la troisième prise et cette fois-ci, agacé par le temps d’attente qu’aura demandé la mise en place de la scène, Max écrase le champignon. La voiture s’envole, semble planer un instant et se fracasse lourdement. L’équipe acclame l’exploit mais Max est coincé dans l’habitacle. Le moteur a traversé le tableau de bord, sa cheville est brisée et il s’est tassé plusieurs vertèbres… Il est évacué à l’hôpital. Quatre jours plus tard, il sera de retour sur le plateau. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez Max Aspin ? De sa jeunesse passée dans les Stock-cars jusqu’à cet hiver 1981 où il connaît la gloire en tant que responsable des cascades de Mad Max 2, des années les plus noires jusqu’à sa rédemption, la vie de Max ne semble animée que par le carnage et la tôle froissée…



Ce qui mènera Max à devenir l’un des plus grands cascadeurs du monde, c’est sa passion pour la course automobile. Une passion qui l’anime depuis qu’il est un petit gamin des années 50, grandissant dans la banlieue paisible de Sydney, qui s’excite dans les courses de Billy Cart, des espèces de caisses à savon. Les années passent et Max troque les voitures en bois pour celles des Stock-cars, boostant l’immaturité des jeux de l’enfance grâce aux performances du moteur à explosion. « J’ai vraiment apprécié le Stock-car, c’est un sport où l’on doit se crasher volontairement les uns contre les autres. J’ai aimé cette poussée d’adrénaline qui manquait sûrement à ma vie. » Il passe rapidement à la vitesse supérieure et s’engage dans les courses de vitesse des Super Sedan Holden. Max est un bon pilote et il aurait probablement pu faire carrière dans le sport automobile. Le problème, c’est qu’atteindre l’arrivée sans anicroche n’est pas vraiment ce qui l’intéresse. « Lorsque j’ai vu les voitures qui m’arrivaient dessus j’ai baissé la tête, et il y a eu un crash énorme entre ma voiture et six autres voitures de course qui ont salement morflé. Les pilotes sont sortis de leur bagnole, jetant leur casque par terre de colère. J’ai rampé hors de la mienne et, pendant que je jetais un œil aux épaves, je souriais et me disais en moi-même…  ‘’C’est cool !’’ » C’est lors de ces rallyes qu’il commence à se faire une réputation et qu’il hérite d’un surnom, « Mad » Max, bien des années avant que le film n’arrive sur les écrans. 


Lorsque les Hell Drivers, un groupe de cascadeurs français, arrivent en Australie, un de leurs pilotes se blesse et se retrouve paralysé. José Canga, le directeur du show, appelle Max et lui demande s’il serait intéressé pour le remplacer lors d’une soirée. Le spectacle des Hell Drivers consiste à enchaîner sur une piste toute une flopée de numéros : faire rouler des voitures sur deux roues, prendre des tremplins à toute vitesse, passer au travers de cerceaux enflammés… C’est un cirque ambulant où les clowns sont des cascadeurs et où les animaux ont des moteurs. C’est ainsi que Max fait son premier show à Melbourne. « J’étais très excité à l’idée de faire mon premier tonneau, mais la voiture s’est simplement retournée sur le toit, glissant le long du bitume et provoquant une nuée d’étincelles. J’étais déçu parce que ce n’était pas un tonneau complet. Pour la seconde partie du show, j’avais un nouveau tonneau à effectuer et ce coup-ci, j’étais déterminé à le réussir ! J’ai soulevé la rampe plus haut que prévu et je l’ai prise à 130 km/h au lieu des 80 programmés. Résultat, j’ai fait dix tonneaux. Mon équipement de sécurité a cassé alors j’ai rebondi partout dans la voiture. Mon bras est passé par la fenêtre et la voiture s’est écrasée dessus. Quand j’ai quitté le stade dans l’ambulance, j’ai jeté un coup d’œil à mes collèges pilotes qui préparaient la prochaine cascade, je me suis dit que c’était probablement la première et la dernière que je faisais avec eux… » Canga vient alors féliciter Max à l’hôpital. « T’en fais pas pour tes blessures, il m’a dit. C’était l’une des cascades les plus spectaculaires que j’ai jamais vue et la publicité que ça va nous faire nous assure une sacrée foule pour le prochain show ! » Max va rester trois ans avec les Hell Drivers, écumant l’un après l’autre les circuits de l’Australie et de l’Asie du Sud Est. À cette époque, Max ne boit pas mais il va rapidement s’y mettre au contact des Français. « Ils m’ont tendu une bouteille de scotch et m’ont dit que si je voulais être un Hell Driver, il fallait que je boive ! Après chaque show on se retrouvait donc à l’hôtel et on picolait un peu, pour fêter le fait qu’on était toujours vivants ! »


Entre ses tournées, Max doit travailler pour ramener de l’argent. Il enchaîne donc les petits boulots, comme conducteur de bulldozers, ou de gros engins de chantier. C’est un de ses collègues qui repère un jour une annonce publiée dans le journal : « recherche cascadeur, entraînement complet offert », et en fait part à Max qui saute sur le combiné. 1970, il a 23 ans lorsqu’il entre à l’école de cascadeur dirigée par Peter Armstrong, l’un des premiers cascadeurs australiens. En plus de se perfectionner sur la conduite de précision, il apprend plein d’autres choses amusantes comme se battre avec différentes armes, tomber d’un cheval ou à chuter de hauteur diverses. 



Après un an d’école, Max commence à décrocher des jobs sur des publicités ou des séries TV comme Wanted ou Spy Force où il s’occupe de choses mineures, comme des bagarres ou des poursuites en voitures relativement simples. À force de partir pour des tournages il finit par se faire virer de partout. Il décide donc de devenir cascadeur professionnel et d’abandonner tous les petits boulots. D’années en années il décroche des contrats de plus en plus intéressants et en 1974, il participe au tournage de Man from Honk Kong, un célèbre film d’action australien, où il travaille sous les ordres du légendaire Grant Page, le plus grand spécialiste du métier.


En 1977, il passe une audition devant les coordinateurs de cascades australiens chargés de juger des capacités de Max. C’est ainsi qu’à trente ans à peine il accède au rang de coordinateur, responsable des cascades d’un film et devient apte à diriger ses collègues. Son talent est largement reconnu par ses pairs et le développement que connaît alors le cinéma australien lui promet une carrière fructueuse. La même année, il est approché par George Miller pour s’occuper des cascades de Mad Max mais le boulot échoit finalement à Grant Page. Aspin ne va pourtant pas tarder à travailler avec Miller. Trois ans plus tard il le retrouve sur le tournage de Chain Reaction, un polar écolo gorgé d’action, réalisé par Ian Goddard et qui reprend une partie du casting de Mad Max (Mel Gibson compris, pour un tout petit rôle non crédité). C’est Miller lui-même qui occupe le poste de réalisateur de seconde équipe, notamment chargé de mettre en boîte les poursuites automobiles...  « À un moment je devais défoncer un portail avec une voiture. Aux États-Unis, normalement, vous avez une barrière fabriquée spécialement par le département des effets spéciaux, là, on a juste défoncé la barrière de la ferme d’un gars… » 

 


The Chain Reaction

 Le film n’est peut-être pas très bon, mais sa rencontre avec Miller l’emmène l’année suivante, en 1981, à être engagé comme responsable des cascades du plus gros film australien de l’époque : Mad Max 2. Sa femme, Dale, va s’occuper des animaux du film. Depuis des années elle a recueilli près de deux cents animaux qu’elle dresse pour les besoins du cinéma et de la télévision. Parmi ses bêtes, on trouve des dromadaires, des ânes, des serpents, des kangourous, des émeus, un singe ou des cochons sauvages. Sur le film, sa tâche principale est de s’occuper de Dog, le chien de Max, un Blue Heeler sauvé d’un refuge où il allait être euthanasié. Dale avait commencé sa carrière comme cascadeuse, mais une expérience traumatisante sur le tournage des Voitures qui ont mangé Paris (Peter Weir, 1974) qui a failli lui coûter la vie, et un terrible accident sur le plateau de Starstruck (Gillian Armstrong, 1981) d’où elle réchappe miraculée l’ont convaincue de tourner le dos au métier. Quelques mois avant le début du tournage, Max Aspin débarque donc dans le désert à Broken Hill, là où l’équipe technique commence à s’installer, pour assurer la pré-production des cascades. « Avec le chef mécanicien Dave Thomas, on a choisi quelles voitures allaient faire quelles cascades puis on a visité les lieux de tournage pour décider des endroits où on allait travailler, en collaboration avec George Miller et Dean Semler, le directeur de la photo, qui donnait son avis sur la lumière. » Aspin engage ensuite les autres cascadeurs du film, dont son vieux complice Bob Hicks. 




Le film s’ouvre sur une poursuite entre le héros et un groupe de maraudeurs qui se conclut sur un tonneau spectaculaire. C’est Aspin qui s’en occupe. « La nuit suivante, on a visionné les rushs et toute l’équipe m’a donné une standing ovation. C’était parce que c’était la première cascade du tournage. Le ton du film a été fixé à partir de là. » Le reste sera à l’avenant, et les blessures plus ou moins graves vont se multiplier, mais au final, le résultat est, sur l’écran, toujours aussi impressionnant près de 35 ans après. Dans sa chambre d’hôpital, Max reçoit la visite de l’équipe de TV japonaise qui couvre le tournage, plutôt choquée par l’accident du vol plané dans le fossé. « Les Japonais m’ont offert un porte-bonheur pour la chance, je leur ai dit ‘’c’est sympa les gars, mais c’est un peu tard !’’ »


 
Lorsque Aspin prépare la cascade du buggy traîné par le camion que conduit Mad Max, il est question de faire un tonneau, puis que le buggy soit traîné sur quelques mètres, provoquant une gerbe d’étincelles, avant que la caméra ne coupe et que le camion ne s’arrête. Le premier problème, c’est que le buggy se retourne beaucoup plus violemment que prévu et se fait brutalement promener de droite à gauche. Le second, c’est que l’équipe a beau tenter de prévenir le conducteur du camion qu’il faut qu’il s’arrête immédiatement, ce dernier n’entend pas l’ordre et continue de rouler sur plusieurs centaines de mètres. Par chance, Dean Semler a laissé tourner sa caméra, alors une fois qu’on a constaté que Max respirait encore, tout le monde se congratule d’avoir mis en boîte une scène aussi spectaculaire ! 


Avec la sortie et le succès de Mad Max 2, Max Aspin est au sommet de son art. « Le plus grand compliment que j’aie jamais reçu pour le film est venu de Sean Connery. Quand j’étais jeune, j’étais un très grand fan de James Bond, alors quand il m’a invité à Hollywood pour discuter des cascades de Jamais plus jamais, je m’y suis précipité. J’arrive chez lui, je frappe à sa porte et je le vois là, devant moi… Après m’avoir serré la main il m’invite à entrer chez lui où il y avait un autre gars en train de jouer avec une console Nintendo. À ma grande surprise, c’était George Lucas ! J’ai alors été sacrément touché lorsque Sean Connery m’a dit que les cascades de Mad Max 2 étaient parmi les meilleures qu’il ait jamais vues. Je ne pouvais recevoir un plus beau compliment que de la part de James Bond lui-même. »




 Max et un pote à lui, cachés sous le costume du monstre pour un plan au téléobjectif.

Durant les années qui suivent, Max Aspin et sa femme Dale vont régulièrement travailler ensemble sur des films comme le fantasque Razorback en 1983 et le rigolo Crocodile Dundee en 1985 où Dale apporte, entre autres animaux, son buffle pour une des scènes les plus mémorables du film ! Mais au-delà de son succès, Crocodile Dundee n’offre pas vraiment à Max Aspin la possibilité de mettre à l’œuvre un savoir-faire qui ne sera plus jamais exploité à sa juste mesure. « Mon job était de coordonner quelques détails, comme des bagarres. J’y ai également joué des petits rôles, au second plan, comme un ivrogne dans le bar. On m’a dit ‘’faut que tu joues un ivrogne’’, ‘’ok, j’ai juste à être moi-même alors !’’ »


Max dans Crocodile Dundee, puis avec sa fille et le fameux buffle du film !

En attendant, George Miller rempile avec Mad Max au delà du dôme du Tonnerre en 1984 et si Dale est de la partie, c’est Grant Page qui reprend son poste de coordinateur des cascades. « J’étais un peu énervé de ne pas avoir été engagé pour le film, mais Grant pouvait l’être également de ne pas avoir été repris pour le second, vu qu’il avait fait le premier… Il a dû se demander ce qu’il avait fait de travers… Bref, ils m’appellent et me disent ‘’les choses ne tournent pas vraiment rond ici, tu peux venir nous aider ? On va bien te payer !’’ J’ai dit non… Vous n’avez pas voulu de moi pour le film ? Ben alors barrez-vous ! »



À partir de cette époque, Max ne retrouvera donc jamais de films à la hauteur de son talent. Les années qui suivent, il travaille sur Sky Pirates, un improbable film d’aventures aussi oubliable qu’oublié, et sur le nullissime The Howling 3 The marsupials, qui tente de manière incongrue de transposer le mythe du loup-garou en Australie en mettant en scène des monstres mi-hommes mi-marsupiaux. « Le réalisateur était vraiment bizarre et l’histoire était si stupide et les acteurs si mauvais que j’ai vite compris que ce film ne ferait jamais d’argent, ce qui a été le cas ! »

Sky Pirates, Max se fait casser la gueule !

Sur le tournage de Sky Pirates, Max Aspin va bosser avec son copain Christian Allan, un cascadeur sud-africain, sur son projet Boat Wars, un concept né d’une idée toute simple : troquer le désert de Mad Max par les rivières des Philippines et les bagnoles par des bateaux. Après les heures de tournage, Aspin et Allan se retrouvent à l’hôtel, éclusent des bouteilles, et écrivent leur scénario. Ils partent ensuite à Manille pour faire des repérages et chercher des bateaux pouvant être modifiés pour les besoins de leur histoire. Un jour, ils rencontrent un type qui leur propose d’aller voir de vrais pirates… « On rencontre les gars, on leur sert la main et on voit qu’ils ont des sabres, des armes de poing partout sur eux… On avait une glacière pleine de bières australiennes avec nous, alors on leur paye un coup à boire ! On ne savait pas que ces pirates étaient si dangereux que généralement ils kidnappaient tous les étrangers qu’ils rencontraient et demandaient une rançon. Si vos proches ne payaient pas, ils vous tuaient. On n’avait pas pensé à ça ! Je descends aux toilettes et il y avait une petite porte ouverte, la pièce était remplie de flingues… Ils nous disent qu’ils sont en guerre avec le gouvernement, qu’ils cherchent à le renverser et qu’ils veulent qu’on les filme. On s’est dit que c’était une idée géniale, qu’on pourrait revendre les images et que ça nous ferait un paquet de pognon mais Allan m’a dit ‘’oui, mais s’ils perdent la bataille ? On va être très mal !’’ On est sur le pont du bateau et je commence à plaisanter avec eux : ‘’Alors les gars, qui s’occupe des viols ? Qui s’occupe des pillages ?’’ Un petit gros se tourne vers moi et me dit ‘’moi je m’occupe des viols, et lui, il s’occupe du pillage !’’ On est retournés fissa au motel, on a fait nos bagages et on s’est barrés ! Plus tard j’ai vu la photo de l’un des gars, c’était l’un des mecs les plus recherchés du pays ! »



Le projet suit son cours, le scénario est écrit et le film est budgété à hauteur de cinq millions de dollars. Allan et Aspin prévoient d’engager une partie de l’équipe de Mad Max 2 (la costumière Norma Moriceau, le directeur artistique Graham Grace Walker ainsi que les responsables des effets spéciaux ou de la mécanique) et surtout, ils offrent le poste de réalisateur au directeur de la photo Dean Semler. Il a travaillé, entre autres, sur Mad Max 2 et 3 et sur Razorback, son talent est reconnu et célébré par l’industrie du cinéma et il s’apprête à bosser pour son ami Kevin Costner sur Danse avec les loups pour lequel il recevra un Oscar. « Pour moi c’était un film de cascades fait par des cascadeurs » explique Aspin. « J’avais l’idée de bateaux qui se fracassaient les uns sur les autres et j’avais trouvé une compagnie qui avait développé des caméras spéciales, des sortes de steadicam pouvant aller sur l’eau. J’en ai parlé à Semler et je lui ai expliqué qu’on pourrait faire le film avec ce genre de caméras… Il est ensuite allé voir Costner et ils ont fait Waterworld ensemble. J’ai pensé aller à Hollywood pour faire un procès mais on me l’a déconseillé, on m’a dit qu’ils allaient nous détruire. »

  
Boat Wars

Sorti en 1995, Waterworld est-il un projet né de ce Boat Wars qui ne verra jamais le jour ? Max Aspin semble en être persuadé. Le film de Costner a pourtant été co-écrit par David Twohy (qui ne se cache pas de s’être inspiré de Mad Max 2) et par Peter Rader à partir d’un scénario qu’il aurait rédigé en 1986, soit à la même époque où Boat Wars est couché sur le papier. De ce film avorté, il ne reste aujourd’hui qu’un scénario et des dizaines de dessins préparatoires, dont certaines idées semblent avoir parcouru les décennies pour se retrouver aujourd’hui sur les écrans.

Pour Max, l’argent commence à manquer, alors il saisit l’occasion que lui offre Allan d’aller travailler aux États-Unis sur un film avec David Carradine. Arrivé chez Carradine, Aspin comprend que le film ne se fera pas mais il est engagé par la star de Kung Fu pour l’aider à déménager et surveiller sa maison lorsque ce dernier est en déplacement. Alors qu’un jour il est en train de charger le bus scolaire jaune que Carradine utilise pour trimballer ses affaires, il voit débarquer un groupe de bikers. « Ils demandent où est David et m’expliquent qu’il leur doit l’argent de la location de la maison. Le chat des Carradine se met à gratter la jambe d’un des gaillards qui l’expédie plus loin d’un coup de pied à l’estomac, ce qui énerve immédiatement madame Carradine. La tension monte et les types se mettent alors à exiger de l’argent. À ce moment David arrive au volant de sa limousine et demande ce qui se passe. Les bikers lui disent que s’il ne paye pas immédiatement, ils vont le découper en morceaux, lui, son pote et la baraque. J’ai murmuré à l’oreille de David, ‘’tu sais, moi je ne suis qu’un cascadeur qui fait semblant de se battre’’, ce à quoi David me répond ‘’tu sais, moi je ne suis qu’un acteur qui fait semblant de se battre’’… David leur a alors dit ‘’Attendez là les gars, je rentre vous chercher quelque chose.’’ David est rentré, nous a servi un grand verre de vodka et a ensuite sorti un 44 Magnum d’un tiroir. Sa femme m’a dit ‘’Va dehors et préviens-les de ce qui se passe !’’ Ils ont filé en un éclair. Ils devaient savoir que David avait tendance à braquer son arme sur les gens qu’il n’aimait pas ! »


Max reste quelque temps encore chez les Carradine, mais une tragédie va l’obliger à rentrer précipitamment en Australie.  Son fils, Shaun, vient de se suicider et il en ignore la raison. Max et Dale vont alors se déchirer, se rejetant la responsabilité du décès de leur fils, ignorant les conditions réelles de sa mort. Étranglés par des soucis financiers, ils sont obligés de vendre leur ferme et Dale, terrassée de chagrin, doit se résoudre à se séparer de tous ses animaux, abandonnant là sa passion et son métier. La situation catastrophique que le couple et leur fille traversent va faire sombrer Max dans l’alcool. Il décroche tout de même un contrat pour une publicité où il doit se jeter d’un ponton en moto. « J’avais toujours avec moi une bouteille de scotch et je buvais pendant que l’équipe technique tournait d’autres scènes avant la cascade. Attention, je ne buvais pas pour me donner du courage, je buvais parce que j’avais envie de boire. Après le déjeuner, je suis allé au bar de l’hôtel où j’ai rencontré un marin russe… Je me suis réveillé le lendemain matin, au large, à bord d’un chalutier russe… J’ai réalisé ce que j’avais fait et que j’allais coûter à la production des milliers de dollars en reshoots… Des semaines plus tard, j’ai chopé un autre boulot, mais je suis arrivé sur le plateau tellement bourré que je me suis fait dégager direct. L’industrie en Australie est toute petite, les bruits à propos de mon alcoolisme ont vite fait le tour et le téléphone a alors cessé de sonner… »

Un jour qu’il se retrouve à picoler avec des aborigènes, il voit un avion dans le ciel. Il se dit qu’il y a quelques années, c’est lui qui aurait pu être dans cet avion… « Je me suis demandé ce qui m’était arrivé, et puis j’ai décidé d’aller en rehab… » Sorti de sa cure, Aspin décide de se reprendre en main. L’industrie du cinéma n’est désormais pour lui qu’un souvenir. Mais un jour, devant une émission de TV où un type bat un record avec des dominos, il a une idée : pourquoi ne pas battre un record mondial ? « La seule chose où j’étais vraiment bon, c’était faire des tonneaux avec des voitures, j’avais passé trois ans avec les Hell Drivers à faire ça, trois jours par semaine… » Aspin va voir un promoteur et lui explique qu’il veut faire faire des tonneaux à dix voitures différentes en moins de dix minutes. « J’ai dit que j’aurai cinq voitures à chaque bout de la piste, avec une rampe de chaque côté. Après avoir retourné la première voiture je me jetterai dans la suivante et je l’enverrai sur la rampe d’en face, et je répéterai l’opération jusqu’à ce que les dix tonneaux soient faits. » Le show est retransmis à la TV et Aspin retourne les dix voitures en moins de huit minutes ! Le record mondial est battu et Max Aspin entre au Guinness book des records.



Max au musée Mad Mad 2.

Le téléphone se remet enfin à sonner et, de toute l’Australie, des promoteurs souhaitent l’inviter pour qu’il tente de battre son propre record sur leurs circuits. Max enchaîne les shows, trouve de nouvelles manières de faire faire des tonneaux aux voitures, augmente la vitesse pour plus de spectacle. Il retrouve l’acclamation des foules et ces poussées d’adrénaline qu’il aimait tant mais après une douzaine de shows, exténué, il doit prendre la décision d’arrêter. « Après m’être donné en spectacle dans tous les circuits d’Australie, mon corps m’a commandé d’arrêter en me faisant comprendre que trop c’était trop. J’ai donc pris ma retraite. Je ne suis jamais retourné dans l’industrie du cinéma. J’ai développé de l’arthrite à cause des nombreuses blessures accumulées au cours des années et deux ans plus tard j’ai subi une sérieuse crise cardiaque… » Diminué, affaibli, Max ne peut plus conduire. Avec Dale ils vivent toujours sur la côte Est australienne, près de Sydney, et espèrent qu’ils pourront, un jour, quitter leur petite maison et finir leur vie dans une ferme, au milieu d’animaux.

Douglas Mc Arthur a dit « les vieux soldats ne meurent pas, ils disparaissent simplement ». Je dirais la même chose des vieux cascadeurs…

 Max aux Pinnacles, où Mad Max 2 a été tourné en Septembre 2015...

Max a disparu le 24 Février 2016. Je l'avais rencontré à plusieurs reprises pour l'interviewer et l'écouter me raconter ses histoires pendant des heures. Je garde le souvenir d'un gars incroyablement jovial qui débordait de gourmandise, tout le temps en train de rigoler... So long mate...

Cet article avait été publié dans AAARG #11 en Décembre dernier.




So long mate...






4 commentaires:

  1. Super article, merci melvin

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  2. Un grand merci pour cet article. JMi

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  3. vraiment tres interessant!

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  4. merci Melvin par ce travail remarquable pour la vie exceptionelle de ce grand messieur qui a inscrit son nom dans le livre du cinéma

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