mercredi 26 octobre 2016
mardi 25 octobre 2016
FURY ROAD, LA CALTROP #2 et ARTIFICIAL INTELLIGENCE
Lorsque Miller et son équipe ont inventé les véhicules des "3 war
parties", ils sont restés autour de bagnoles ou de camions assez
rustiques, déclarant que dans le wasteland seuls les engins les plus
costauds pourraient survivre... Mais une bagnole est différente : il s'agit du véhicule connu sous le nom de code de CALTROP #2 !
Une bagnole de la Citadelle guère célèbre et reléguée à de la figuration le temps de quelques plans...
Composée à partir d'une Nissan Skyline Coupé R32 de1989,
elle était initialement prévue pour être détruite par l'éboulement
provoqué par les Rock Raiders. L'idée était à la fois d'agacer les fans
de Japonaises et de montrer à quel point ces bagnoles bourrées
d'électronique étaient fragiles.
Pour mettre l'emphase sur le côté "électronique" du véhicule, elle fut tapissée de cartes mères d'ordinateurs.
Peter Pound en train de designer l'engin :
La "Caltrop #2" sur le plateau de tournage :
Mais le plus drôle, c'est la petite victime que la bagnole trimbale !
D'après certaines déclarations et quelques rumeurs qu'on aimerait croire, l'ours en peluche ficelé à l'avant de la bagnole serait un clin d'oeil moqueur au supertoy de Artificial Intelligence ! Peut-être sont-ils fabriqués pour durer tout l'été, ils ne sont plus, dans Fury Road, qu'un trophée de l'ancien temps. Voici à quoi sont réduites, dans le Wasteland, les
velléités technologiques de l'humanité !
lundi 24 octobre 2016
FURY ROAD - THE CROW FISHERS
Tout d'abord, mettez ce morceau pour vous mettre dans l'ambiance...
...et attardons-nous un peu sur un plan du film, celui-ci :
Nombreux sont les gens qui, à la sortie du film, se sont demandés qui étaient ces types, et ce qu'ils foutaient-là. A la base, leur rôle devait être beaucoup plus
important mais, à force de réécritures, leur histoire a finalement
totalement disparue.
Reste qu'on raconte que des scènes inédites avec ce qu'on appelle les
"sky fishers", les "crow fishers", les "stilts"ou les "bog walkers"
(respectivement, les "pêcheurs du ciel", les "pêcheurs de corbeaux", les
"échassiers" ou les "arpenteurs de marécages") étaient dans le montage
de Fury Road lorsque le film a été testé un an avant sa sortie. Ces
personnages auraient existé le temps de quelques plans supplémentaires
où on les aurait vu notamment pêcher. Mais là-dessus, rien n'est moins sûr. Et les sources vraiment fiables manquent.
Ils étaient alors associés aux Vuvalinis, lorsque les Vuvalinis
étaient un gang de vieilles qui volaient grâce à des gyrcoptères
individuels.
Puis, ils ont lentement pris la forme qu'on leur connait dans le film...Concept art de Paul Jeacock :
Concept arts de chez WETA :
En gros, les échasses modifient leurs formes, ils laissent tomber des
filets entre leurs "jambes" pour capturer des oiseaux ou lancent des
cerf volants fabriqués avec des oiseaux morts et des morceaux de bois
desquels pendent des hameçons...
...d'où les expressions de "pêcheurs du ciel" ou de "pêcheurs de corbeaux"...
Rappelons-nous également que dans Mad Max au delà du dôme du Tonnerre, il y avait déjà un personnage qui avait un cerf-volant fabriqué avec un oiseau mort et qui s'appelait... M. Skyfish !
Rappelons-nous également que dans Mad Max au delà du dôme du Tonnerre, il y avait déjà un personnage qui avait un cerf-volant fabriqué avec un oiseau mort et qui s'appelait... M. Skyfish !
Mais revenons à Fury Road, avec ces deux autres concept-arts :
Le story board de Mark Sexton datant de 2002 :
Alors, qui sont ces personnages ? Ce qui est amusant, c'est que
malgré la relative importance qu'ils ont pu avoir à différentes étapes
de la préproduction, les versions divergent un peu...
Tout commence en Novembre 2015, lorsque Miller explique au magazine
Empire qu'il s'agit de "Vuvalinis laissés derrière". En gros, ce sont
les membres du clan qui ont choisi de demeurer sur les restes de la "Green Place" plutôt que de fuir. Ce sont
donc des femmes qui, pour se déplacer dans ce bourbier toxique,
utilisent des échasses pour aller d'arbre en arbre. Leurs habits
seraient faits de plumes de corbeaux et de morceaux de filets.
Pour Mark Sexton, le storyboarder, il s'agit également d'un groupe de femmes, les descendantes des Vuvalinis...
Mais suite à ça, un copain a discuté de ce sujet avec Colin Gibson
(production designer) et, pour lui, ces "Pêcheurs de corbeaux" sont des
restes de la société matriarcale des Vuvalini. Lorsque la "Green Place" était toujours verte, et dans l'idée de
maintenir leur matriarchie, les Vuvalinis bannissaient tous les petits
garçons qu'elles enfantaient dans les marécages ceinturant la Green
Place et l'isolant du désert. Le "bog" était donc, pour lui, un endroit
différent de ce qu'est devenu la Green Place. Lorsque ces garçons atteignaient la puberté, ils étaient alors
visités par les Vuvalinis pour quelques célébrations familiales bizarres
où il s'agissait de leur traire leur sperme (sperm milking) (!) Ils survivent donc en vivant sur des échasses au dessus de la vase contaminée, dans cette mangrove boueuse...
Ainsi, d'après Colin Gibson, les "Crows" ne seraient pas que les oiseaux
mais également le nom de la tribu composée de ces enfants mâles abandonnés
par les Vuvalinis... Lorsque la Green Place est devenue empoisonnée,
elles ont pris leurs filles et se sont sauvées, laissant ces gamins derrière.
Quoiqu'il en soit, cette version fait des Vuvalinis des personnages
nettement moins sympathiques qu'elles n'apparaissent dans le film, même
si le dialogue avec The Dag ironise quelque peu sur les Vuvalinis...
Keeper of the Seeds : You're having a baby?The Dag : Warlord, Jr... It's gonna be so ugly.
Keeper of the Seeds : It could be a girl!
[pause]
The Dag : You kill people with that, do you?
Keeper of the Seeds : Killed everyone I've ever met out here. Headshots all of, snap! Right on the medulla.
The Dag : I thought some of you girls were above all that.
Bref, dans la version de Gibson, le destin de ces gamins exploités
pour leur sperme et rejetés par les Vuvalinis semblent répondre à celui
des 5 filles d'Immortan Joe... Ce parallèle entre les méthodes des Vuvalinis et de Joe (exploitation
des gens, obsession de créer un nouveau monde, planter des graines au
propre, au figuré...) pourrait presque renvoyer à celui qui existe entre
Max et Entity dans Mad Max 3. La différence entre "un héros" et "un tyran" reposant sur l'idée que le tyran est souvent un héros qui a terminé son chemin. Pour
Miller, Entity représente ce que Max serait devenu s'il était resté avec
la "Grande Tribue du Nord" de Mad Max 2. Ce qui laisse peu d'espoir sur
le monde d'après Immortan Joe...
dimanche 23 octobre 2016
BAD TASTE - AAARG #10
Article publié dans AAARG #10 en Septembre 2015
« Bad Taste est né de la passion pour le cinéma et pour la réalisation, et il parle directement à ceux qui partagent un tel enthousiasme… »
C’est avec ces mots que le journaliste Jim Barratt justifie son amour
pour le premier film de Peter Jackson. Œuvre aussi maline
qu’outrancière, consciemment calculée pour devenir culte, Bad Taste aurait pu n’être qu’une première tentative d’un auteur en devenir. Ça aurait pu être une sorte de Fear and Desire, dont on scrute la moindre image pour tenter d’y débusquer le talent d’un tout jeune Kubrick. Ça aurait pu être le Piranha 2 de Cameron, que l’on a sauvé des limbes de l’oubli grâce au nom de son réalisateur… Non, Bad Taste n’est ni un brouillon, ni un nanar honteux, témoin des tâtonnements de son auteur, Bad Taste
est une réussite éblouissante, frappée d’un dynamisme que ne retrouvera
jamais son auteur… Ironiquement, Peter Jackson, barbotant comme un
enfant émerveillé dans un monde entre Buster Keaton et Tex Avery, n’aura
jamais eu aussi bon goût !
Kaihoro,
une petite ville dans le nord de la Nouvelle Zélande. La nouvelle vient
de tomber : les Astrozombies ont débarqué. Pour contrer l’invasion, le
gouvernement envoie un commando de quatre spécialistes… La situation va
alors dégénérer dans un carnage au-delà de toutes proportions !
En
1987, le cinéma australien est enfin sorti de l'ornière dans laquelle
il patinait depuis des années. Peter Weir est désormais à la tête d'une
carrière internationale, les trois Mad Max ont lancé George Miller et sa boîte de prod, et Crocodile Dundee est un carton planétaire… Mais si l’industrie cinématographique du mainland
semble florissante, celle du petit frère néo-zélandais est pratiquement
inexistante. Le premier film produit intégralement sur l'île date de
1977, c'est le thriller Sleeping Dogs, première réalisation de
Roger Donaldson (qui pourtant est australien et qui connaitra la gloire
quelques années plus tard en mettant en scène Mel Gibson dans Le Bounty). Produit en même temps que Mad Max 2 mais sorti quelques mois après, Harley Cokeliss livre en 1982 un truculent Battletruck et Geoff Murphy arrive à réaliser quelques longs métrages dont le remarqué The Quiet Earth (1985),
une fable post-apocalyptique. Globalement, la Nouvelle Zélande est
cinématographiquement un désert jusqu'aux années 1990, lorsque Jane
Campion avec La Leçon de piano et Lee Tamahori avec L'Ame des Guerriers
placeront le pays sur les cartes des cinéphiles, bien avant qu'un raz
de marée de hobbits, de nains et d'armées d'orcs numériques ne fassent
le bonheur de l'office du tourisme et des tours opérateurs kiwis.
Mais
revenons quelques années en arrière, car c’est pendant les années 1980
que le film qui nous intéresse a été couvé. C’est un pur produit de
cette époque, un classique ironiquement aussi culte que sous-estimé, qui
a su trouver sa place et s’imposer au milieu d’une ribambelle de films
américains.
Comme la plupart des classiques de cette époque, les racines de Bad Taste
puisent dans les années 1970. Lorsque débute la décennie, le petit
Peter Jackson a neuf ans et c’est à cet âge-là qu’il commence à réaliser
des petits courts métrages en super 8. On peut voir dans le
documentaire qui accompagne Bad Taste de touchantes images
d'une reconstitution historique où des enfants cachés dans une tranchée
se filment eux-mêmes et miment une bataille de la Seconde Guerre
mondiale. Jackson semble passionné à l’idée de mettre en scène ses jeux
d’enfants d’une manière cinématographique. Adolescent, c’est toujours
devant sa petite caméra que ses fantasmes continuent de se cristalliser.
Inconditionnel des films de Ray Harryhausen et de King Kong, il tourne à 15 ans The Valley
qui mêle un Cyclope géant (un monstre en pâte à modeler filmé en stop
motion) à des prises de vues réelles… James Bond est alors une icône du
cinéma d'action, il débute donc le tournage d'une parodie où il joue à
être un espion en costard… Fan des films de la Hammer, il entame un long
métrage en super 8 (!) appelé Revenge of the gravewalkers où
ce coup-ci c’est un cimetière que Jackson et ses potes envahissent,
grimés en vampires. Les jeux de l’enfance semblent avoir été pour Peter
Jackson l’occasion d’apprendre à faire des films. En 1983, il a 22 ans
et il décide que l’immaturité de ses premières œuvres incomplètes doit
laisser place à un véritable premier film…
Il achète alors une petite Bolex 16mm et entame le 27 octobre 1983 le tournage de ce qui s’appelle pour l’instant Roast of the day,
un court métrage prévu pour durer un petit quart d’heure. Un petit film
qui doit narrer les mésaventures grotesques d’un quêteur qui déboule
dans un village et se fait poursuivre par un psychopathe nommé Robert.
Cherchant à lui échapper, il se réfugie dans une maison qui se trouve
être celle des cannibales. À la fin, un twist amusant nous aurait fait
découvrir que sa mort allait sauver les cannibales de la famine ! C’est
un hommage décalé à Massacre à la tronçonneuse que Jackson va
filmer chez lui, dans les paysages délicieux de Pukerua Bay, au nord de
Wellington. Un petit film qu’il pense tourner en un mois avec l’aide de
ses potes (Terry Potter, Pete O’Herne, Craig Smith et Mike Minett, tous
acteurs ou techniciens suivant les scènes) ; c’est pour lui l’occasion
de tester sa Bolex avec l’ambition de squatter quelques festivals...
Mais une fois lancé, le tournage va sembler ne jamais vouloir s’arrêter. « On tournait les dimanches, explique Jackson,
parce qu’on travaillait tous six jours par semaine. Certains dimanches
nous ne pouvions rien filmer pace qu’on n’avait pas les moyens ! Le 16mm
c’est extrêmement cher, 100$ pour filmer et développer 4 minutes de
film… De plus, certains dimanches les gens n’étaient pas disponibles,
Terry et Mike jouaient au foot tout le temps. C’était vraiment pénible,
leurs putains de matchs de foot ! »
Malgré
l’ambition que Jackson apporte dès le début à son projet, il a fallu
une attention particulière pour transcender ce qui aurait dû rester à un
niveau amateur. « Il y avait un magazine génial dans les années 80 qui s’appelait Cinémagic,
c’était un magazine pour les réalisateurs amateurs qui avaient envie de
faire des films avec des effets spéciaux et des monstres. C’était comme
si ce magazine était écrit juste pour moi. Je dévorais chaque numéro et
dans l’un d’entre eux on pouvait trouver les plans pour fabriquer sa
propre steadycam. J’ai pensé ‘Wow, ça a l’air mortel !’ J’ai donc
littéralement suivi les instructions et j’en ai construit une ! » De
la même manière, les effets spéciaux du film sont réalisés en suivant
scrupuleusement les conseils que le maquilleur Tom Savini (Zombie, Le Jour des Morts vivants, Maniac) a réunis dans son livre Grande Illusions…
Au
bout d’un an de tournage, le film continue de s’improviser, sans
script, au fur et à mesure des idées qui leur viennent durant la
semaine. Le film porte désormais le titre de Giles’ Big Day et
un commando des forces spéciales s’est infiltré dans l’intrigue. À cette
époque, les membres de ce commando se révèlent finalement être aussi
des cannibales qui auraient monté toute cette opération parce qu’ils
aiment jouer avec leur nourriture ! Lorsque Peter Jackson fait un
premier montage du film, il arrive à 50 minutes et il se dit qu’en
continuant à tourner, il devrait pouvoir arriver à réaliser un long
métrage… Craig Smith, qui interprète le quêteur, va quitter l’aventure
en cours de tournage. Il s’est marié et s’est tourné vers la religion,
il ne souhaite plus participer à l’aventure, refusant à la fois la
violence du film et de travailler le dimanche… Lorsque quelques années
plus tard, il divorce, Peter Jackson n’a toujours pas fini son film et
Smith réintègre l’équipe !
« Les
films cultes, particulièrement lorsqu'ils ne coûtent pas cher,
deviennent souvent des succès financiers énormes grâce aux visionnages
répétés d'un groupe de fans hardcore. Bien que je sois réticent pour
qualifier Giles de ‘matériel culte‘, je pense qu'il contient
beaucoup de ces éléments qui font d'un film, un film culte. Il devrait
résister à plusieurs visionnages. Seul le temps nous le dira... »
C’est avec ces mots qu’en 1985 Jackson, qui n’a toujours pas de fin pour
son film, réussit à convaincre la commission du cinéma néo-zélandais
que son long métrage a un potentiel commercial évident. Aux 25 000 $
(supposés) dépensés par Jackson, la commission ajoute 235 000 $, ce qui
lui permet d’acheter une nouvelle caméra, d’achever le film qui
s’appelle dorénavant Bad Taste, de payer la post production et de gonfler le 16 en 35mm.
Étant
donné que 90 % du film ont été tournés avec la Bolex qui n’enregistrait
pas le son, Jackson et ses potes vont se postsynchroniser... Grâce à
l’amateurisme total à l’œuvre sur cette opération, Bad Taste fait
partie de ces films qui gagnent à être vus en VF... Si l’on perd une
partie des blagues et des dialogues absurdes écrits par Jackson, le film
bénéficie de l‘interprétation loufoque, mais mieux maitrisée, des
doubleurs français !
En 1988, grâce au marché du film du festival de Cannes, Bad Taste va
se voir proposé une distribution mondiale, à la grande surprise de ses
auteurs, et il rallie autour de lui un public hilare et déchaîné dans
différents festivals. La même année, le film gagne le prix spécial gore
du film fantastique de Paris et est exploité en France en août… Pour une
sortie plutôt ratée, après deux semaines à l’affiche, Bad Taste
disparaît des écrans. Mais sa popularité ne va cesser de croître ; sa
diffusion sur Canal Plus en 1989 et l’exploitation en VHS va lui
permettre de trouver son public. L'intérêt pour le film sera relancé, quelques années plus tard, par la sortie du troisième film de Peter Jackson, le gorissime Braindead. Au-delà de nos frontières, Bad Taste
devient ainsi le film culte que son auteur espérait bricoler, et pour
beaucoup il réemprunte la voie tracée par une poignée de réalisateurs
américains. Ces types qui, pendant que Bad Taste était en
tournage, ont enchaîné une série de films qui ont désacralisé l’horreur
grâce à un second degré comique. A la différence que les œuvres de
Stuart Gordon (Re-Animator, 1985), Sam Raimi (Evil Dead 2, 1987), Jim Muro (Street Trash, 1987) ou Frank Henenlotter (Elmer le remue-méninges, 1987), malgré leur dimension potache et immature qui rompait avec le sérieux tétanisant de films plus anciens comme Zombie, Maniac ou Cannibal Holocaust,
restaient de véritables films d’horreur. Revisitant les figures
classiques du cinéma d’épouvante, ils poussaient le spectacle de la
destruction des corps jusqu’à l’hystérie. D’une conclusion effroyable et
redoutée, ce spectacle passait à une communion orgasmique et rigolarde.
T’as déjà vu une partouze aux flingues ?
Paradoxalement, si Bad Taste semble chanter sur le même air, la partition est bien différente ! Fortement influencé par le Salad Days
des Monty Python (un sketch où un pique-nique dominical va virer au
carnage sanglant dans une parodie pince sans rire des films de
Peckinpah), le film se moque beaucoup, d’E.T. (ceux-là n’ont pas le doigt qui brille) de l’industrie ovine (le mouton qui explose), des fondamentalistes chrétiens (« I’m born again »
exulte Derek, après avoir littéralement traversé le chef des
Astrozombies de la tête au cul) ou de la couronne britannique (les
blagues sur la Reine ou la montre de Lady Di). Jackson oblige même les
Beatles, le groupe qu’il adule, à être témoins de ses facéties ! D’un
bout à l’autre, Jackson accumule les gags idiots et les plaisanteries
stupides ; en faire la liste ici n’aurait aucun sens, mais l’auteur de
ces lignes ne peut s’empêcher de pouffer chaque fois qu’il voit le
commando synchroniser ses montres. Un humour et une décontraction
peut-être influencés par le célèbre magazine satirique National Lampoon
dont la couverture de juillet 1970 montrait un gamin en train de manger
un burger en forme de maison sous le titre « Bad Taste ». Un film de « gamins qui jouent le week-end, c’est un truc de petits gamins, un truc présexuel explique Jackson qui ajoute que le film est à propos d’un groupe de mecs qui essayent d’être machos, sans y arriver... »
Conditionné
par sa caméra Bolex ne pouvant enregistrer plus de 30 secondes à la
fois, le film ne peut qu’accumuler de manière frénétique ses plans… Ce
que Jackson utilise à merveille en élaborant des actions complexes
découpées de manière stricte, comme ces montages où une bille roule de
plateforme en plateforme, déclenchant des mécanismes en cascade. De plan
en plan, chaque action entraîne la suivante dans une farandole absurde
dont la conclusion grotesque s’étale dans une gerbe de sang.
Jim Barratt parle très justement dans son essai sur le film (Bad Taste, éditions Wallflower) de splatstick, un mot valise créé avec splastick (humour jouant sur une exagération physique) et splatter (un autre mot pour le cinéma gore). Une proximité avec ce cinéma des origines qu’avait également notée Jean-Pierre Putters (Mad Movies) en expliquant que le personnage de Jackson semblait « tout droit sorti d’un muet des années vingt ».
Effectivement, le sang gicle comme volaient les tartes à la crème, avec
une caméra qui cherche systématiquement le scabreux, cadrant en très
gros plan les effets spéciaux, étalant la confiance morveuse que peut
avoir Jackson dans ses effets pourtant très rudimentaires.
Par
ses axes souvent improbables ou ses mouvements de caméra outrés, le
film expérimente continuellement la façon de capturer la destruction des
corps, à l’unisson d’une intrigue qui accumule les manières de les
détruire avec une régularité et une énergie telles que Bad Taste
fait parfois penser à du Tex Avery live. Ce sont les coups de marteaux
que reçoit le loup ou la chute du coyote dans le ravin qui pénètrent
notre univers. Contrairement au monde de Roger Rabbit où les toons et les humains se côtoyaient dans le même monde, Bad Taste propose de rejouer une partie connue, de pasticher par exemple Commando,
en plongeant ses personnages dans la liberté et l’euphorie qu’offre le
dessin animé. La brutalité est innocente et sa conclusion, aussi gore
soit-elle, n’est là que pour soulever l’hilarité du spectateur. Les
personnages se comportent ainsi comme s’ils étaient dans un cartoon :
Derek remet en place un morceau de sa cervelle qui s’est fait la malle
ou découpe dans un mur une entrée avec sa tronçonneuse en suivant
scrupuleusement sa silhouette. Un groupe d’Astrozombies en attrape un
autre pour l’utiliser comme bélier, une rafale dans un arbre fait tomber
une douzaine de cadavres, le quêteur attend son heure dans une bassine,
au milieu d’une soupe de légume, une pomme dans la bouche…
Comme
pour un petit dessin animé, le film joue la carte de l’action non-stop
et ne s’embarrasse d’aucune construction dramatique classique, refusant
toute profondeur psychologique à ses personnages réduits à des
silhouettes burlesques au service de l’action et du comique de
situation. Ce qui importe dans le film, ce n’est pas tant la destinée
des personnages que leur capacité à créer le mouvement et de participer à
l’enchaînement d’actions réglées de manière quasi martiale et
millimétrées avec tout le soin qu’un admirateur du cinéma muet pourrait
donner à son film. Et lorsque Jackson explique pourquoi il admire tant
Buster Keaton, « pour son œil pour les gags visuels et son sens immaculé du rythme, du timing, particulièrement dans la précision de ses cascades », comment ne pas y lire la note d’intention de son film ?
Suite à Bad Taste, Peter Jackson va penser un moment en réaliser la suite, mais se tournera vers une adaptation dégénérée des Muppets (Meet the Feebles) qui va faire un bide. Jackson connaîtra finalement le succès avec son film de zombies sous stéroïdes, Braindead.
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