- Do you love the church?
- Not today
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Dès la fin des années 1960, le cinéma
américain connaît une révolution qui passe, entre autres, par une
radicalisation du traitement de certains thèmes politiques et par une
représentation frontale et dénuée d’hypocrisie de la violence. Traumatisé par
l’assassinat en direct de son président et par le spectacle quotidien de sa
jeunesse plongée dans un cauchemar de brutalité, le cinéma américain se permet
toutes sortes d’excès. La plupart de ces films, alors controversés, sont
devenus des classiques, aujourd’hui multi-diffusés et bénéficiant d’éditions
DVD conséquentes. En Angleterre, après les drames sociaux difficiles de Lindsay
Anderson (If…), ou de Kenneth Loach (Kes), Stanley Kubrick éclabousse le pays
avec l’ultra-violence chorégraphiée des droogs d’Orange Mécanique. Au même moment, Ken Russell, un autre réalisateur
adulé et respecté, auréolé par le succès critique et populaire de son œuvre
précédente (Women in love), s’attaque
à la réalisation de ce qui sera son chef-d’œuvre : Les Diables. Un film historique qui va horrifier la censure,
mortifier ses producteurs et qui va voir se dresser contre lui toutes les
ligues de morale du pays. Mutilé, charcuté au-delà du raisonnable, le film de
Russell est depuis quarante ans condamné à l’oubli par la Warner Bros. Et si
aujourd’hui Orange Mécanique est une
pierre angulaire de la culture pop anglaise, si Les Chiens de paille de Peckinpah a connu l’ingrate satisfaction
d’être récemment remaké, et si la violence de L’Exorciste ou de L’Inspecteur
Harry s’étale aussi bien sur les rayonnages des supermarchés que ceux des
musées, le chef-d’œuvre de Ken Russell continue, en silence, de purger sa peine
pour outrages. Le critique canadien Richard Crouse vient de publier Raising Hell : Ken Russell and the
unmaking of the Devils, un livre qui revient sur la production et la sortie
houleuse du film, prolongeant ainsi le travail de son collègue anglais Mark
Kermode qui avait réalisé le documentaire Hell
on Earth, et qui depuis des années œuvre pour sa redécouverte. Une occasion
toute trouvée pour, une nouvelle fois, convoquer les enfers et ouvrir la porte
du cachot où croupit l’un des plus grands films de son époque.
Située en France, au XVIIe
siècle, l’histoire des Diables revient
sur un épisode rocambolesque de la guerre opposant Richelieu aux protestants
quand la petite ville de Loudun (proche de Poitiers) va connaître le cas de
possession collective le plus célèbre de l’Histoire. Fort bien documentée, la
possession des Ursulines a été relatée dans de nombreux livres au cours des
siècles jusqu’à ce qu’en 1952 Aldous Huxley publie un livre somme, Les Diables de Loudun, dont John Whiting
tirera une pièce de théâtre en 1960 et Krzysztof Penderecki un opéra, neuf ans
plus tard.
À partir de ces sources, Russell va
tirer un scénario qui met en avant une lecture politique des évènements :
en 1632, Richelieu cherche depuis des années à faire abattre toutes les
fortifications des villes de France, y voyant une menace pour l’autorité du roi
Louis XIII. Celles de Loudun résistent, grâce au talent et à la popularité de
son prêtre, Urbain Grandier (joué par Oliver Reed), responsable d’un pamphlet
contre le Cardinal et défenseur zélé de l’autonomie de la ville. Lorsque Sœur
Jeanne (Vanessa Redgrave) s’éprend du prêtre, la frustration la pousse à
déclarer être possédée par Grandier. Elle est par la suite rejointe par une
petite trentaine de nonnes qui sombrent rapidement dans l’hystérie collective.
Suite à l’exorcisme diligenté par Richelieu, Grandier est accusé de sorcellerie,
ce qui permet à ses ennemis politiques de l’envoyer au bûcher, brûler en place
publique.
Pour Russell, Grandier est un
débauché, un prêtre libertaire et libertin, mais cet homme, aussi vaniteux qu’orgueilleux,
va connaître la rédemption et retrouver son Dieu par l’amour d’une femme avant
d’être ironiquement sacrifié pour hérésie. « C’est, selon Russell, un film
chrétien à propos d’un pécheur qui devient un saint. L’histoire d’un petit
prêtre qui sera utilisé comme bouc émissaire dans un conflit politique. Il
perdra la bataille, ainsi que sa vie, mais gagnera la guerre. »
Victime de
son époque, de ses mœurs et de sa lutte contre l’obscurantisme, la trajectoire
de Grandier se télescope avec la collusion de l’Église et de l’État. Cette
approche politique est clairement mise en scène lorsque le baron de
Laubardemont, l’émissaire de Richelieu, explique à 27 nonnes terrifiées
qu’elles vont être exécutées pour entrave à la justice avant que l’exorciste ne
vienne les sauver in extremis en expliquant que possédées par le diable, elles
seront traitées comme des victimes :
Laubardemont : Si l’abbé Barré a raison, mes braves Sœurs, vous pouvez encore vous racheter. Vous ne seriez pas les premières à retrouver la raison. Vous êtes corrompues. Le Diable est en vous. L’esprit maléfique de Grandier a pris possession de vos âmes. Maintenant, vous lui résistez mais il finira par triompher. Vous crierez ?
Les nonnes : Oui !
L’Abbé : Vous blasphémerez ?
Les nonnes : Oui oui !!!
L’Abbé : Vous ne serez plus responsables de vos actes ?
Les nonnes : Nooon !
L’Abbé : Dénoncez Grandier, votre maître diabolique. Et nous vous sauverons !
Laubardemont : Si l’abbé Barré a raison, mes braves Sœurs, vous pouvez encore vous racheter. Vous ne seriez pas les premières à retrouver la raison. Vous êtes corrompues. Le Diable est en vous. L’esprit maléfique de Grandier a pris possession de vos âmes. Maintenant, vous lui résistez mais il finira par triompher. Vous crierez ?
Les nonnes : Oui !
L’Abbé : Vous blasphémerez ?
Les nonnes : Oui oui !!!
L’Abbé : Vous ne serez plus responsables de vos actes ?
Les nonnes : Nooon !
L’Abbé : Dénoncez Grandier, votre maître diabolique. Et nous vous sauverons !
Les nonnes encerclent alors l’abbé et
le couvrent de baisers sous l’œil entendu du Baron. Dans le film, cette
séquence débouche sur l’orgie des nonnes dans l’église, se mettant nues et se
livrant à tous les blasphèmes possibles devant la foule de spectateurs, hilares
et lubriques. Le point d’orgue de cette folie furieuse culmine dans ce qu’on
appelle la scène du « Viol du Christ ». Les religieuses mettent à
terre une grande statue du Christ crucifié et se masturbent dessus, dans une
transe infernale, sous l’œil attentif du Père Mignon (Murray Melvin, futur
précepteur de Barry Lyndon), qui se masturbe
lui aussi frénétiquement. « Je dois
dire pour nous tous, quand vous y repensez, on est en 1970, les acteurs
respectables à cette époque ne se masturbaient pas à l’écran, raconte
aujourd’hui Melvin. Beaucoup d’acteurs et
d’actrices ont fait des choses que pour rien au monde vous n’auriez voulu voir.
Mais vous le faisiez pour Ken parce que c’est ainsi qu’il travaillait, c’est
ainsi qu’il décrivait les faits et c’est ainsi qu’il vous utilisait. Vous étiez
avec lui, et vous auriez fait n’importe quoi pour lui. »
Si le tournage du film se déroule sans
trop de problèmes et sans esclandre d’Oliver Reed, connu pour être un acteur
difficile, cette scène de l’orgie se révèle être, elle, bien plus compliquée et
source de nombreux tracas. Les filles qui jouent les nonnes ont un extra de
150£ pour se raser la tête et les poils pubiens, la production leur offre
également deux perruques chacune. Certaines réagissent mal, n’ayant pas
vraiment compris, à la lecture du scénario, ce que la scène impliquait. D’autres
se sont forcées à être là, espérant être choisies pour un rôle dans la comédie
musicale que Russell doit mettre en scène après ce film. L’hystérie des
personnages gagne rapidement les interprètes, puis le plateau tout entier ;
le comportement des figurants, perdus au milieu d’une trentaine de jeunes
filles à poil se tripotant en hurlant sur des statues ou branlant des cierges,
finit par perdre de son professionnalisme. Pour pousser les actrices, Russell
fait tonner du Prokofiev par des haut-parleurs ou bat la mesure avec un
tambour. Dès neuf heures du matin, un technicien passe au milieu des filles
avec un caddie rempli de crème de menthe et de sherry. Dudley Sutton (qui joue
le baron de Laubardemont) se souvient qu’il passait au milieu des nonnes pour
réchauffer les seins des filles avec deux sèche-cheveux pendant que des voyeurs
perçaient des trous dans le décor pour profiter du spectacle. « Combien de temps vais-je pouvoir me
convaincre qu’il s’agit là d’un grand réalisateur, faisant de grandes choses
artistiques, et pas d’un homme qui a
perdu tout sens commun ? » s’interroge aujourd’hui l’actrice Judith
Paris. Forcément, les journaux anglais commencent à gloser et à titrer sur les
partouzes que le plateau du nouveau film de Ken Russell semble abriter, démarrant
une campagne de presse désastreuse pour un film encore en tournage. Celui-ci
n’est pas terminé que les ligues de vertu sont déjà horrifiées et commencent à
se mobiliser.
Des champs désolés et mortifères,
balayés par les vents qui promènent la peste d’un village à l’autre, et dont
les routes semblent suivre une ligne incertaine de pieux portant haut des cadavres grêlés de vers
enchaînés à des roues… Ces images terribles rappellent les décors froids
de certains tableaux de Bruegel, comme Le
Triomphe de la Mort. Il s’agit là d’une des rares visions picturales
faisant référence au passé. Un point de vue qui tranche radicalement avec les
décors farfelus de la ville de Loudun. Ces grandes murailles blanches,
immaculées, donnent un aspect presque abstrait, un peu SF, comme s’il y avait
là une modernité inconnue et décalée. « Je n’en pouvais plus de ces films
historiques avec une approche très cliché explique Russell, je suis allé aux studios de Pinewood et je
leur ai dit que j’avais besoin de construire une tour. Ils m’ont dit qu’ils
avaient des moules pour faire des murs du XVIIe. Ils m’ont emmené
voir ces vieux moules et ils représentaient des ruines… Je leur ai dit bien,
d’accord, mais leurs murs n’étaient pas en train de s’effondrer lorsqu’ils ont
été construits. »
L’idée est donc, pour Russell et son
décorateur Derek Jarman, avec ce décor fantaisiste, d’insister sur l’idée de
modernité que les habitants de Loudun avaient de leurs propres murs. Il ne
s’agit pas de proposer une image du Moyen-Âge tel qu’on l’imagine, mais tel que
les contemporains de cette époque se voyaient. De même, la dégaine improbable
de John Lennon déluré de l’abbé Barré, responsable des exorcismes, semble elle
aussi complètement anachronique mais elle crée une analogie qui révèle le
niveau de célébrité et d’hystérie qui entourait alors ces personnages.
L’exorcisme se fait en public, devant une foule déchaînée, conquise par le
spectacle. « C’est un concert, c’est
un show, l’hystérie du public avec les religieuses est la même hystérie que
vous pouviez trouver dans un grand concert au début des années 1970. La nudité,
la frénésie, la lascivité. C’est une supposition intéressante de mettre en
avant que ce prêtre était une rock star au milieu de tout ça »
commente aujourd’hui le réalisateur Guillermo Del Toro, dans un entretien
passionné avec Richard Crouse.
Les pratiques du clergé s’étalent sans
pudeur dans la folie furieuse qui envahit l’église et plonge le film dans la
farce, oscillant entre l’horreur et le burlesque. Durant l’exorcisme
de Sœur Jeanne, deux personnages lui enfoncent dans la gorge divers liquides
grâce à une seringue énorme, ses vomissements sont ensuite analysés à la
loupe.
Abbé Barré :
Dites-moi, dites-moi.
Ibert : C'est un ventricule gauche.
Adam : Cela fait partie du cœur d'un enfant.
Abbé Barré : Sacrifié durant le sabbat d’une sorcière, sans aucun doute, regardez ! Une hostie consacrée.
Adam : Oui… Du sang, du sang épais. Celui d'un homme.
Abbé Barré : Oui, celui de Grandier.
Ibert : Ce truc gluant ne peut être que du sperme.
Abbé Barré : Et ça, qu'est-ce que c'est ?
Adam : Ça c'est une carotte.
Ibert : C'est un ventricule gauche.
Adam : Cela fait partie du cœur d'un enfant.
Abbé Barré : Sacrifié durant le sabbat d’une sorcière, sans aucun doute, regardez ! Une hostie consacrée.
Adam : Oui… Du sang, du sang épais. Celui d'un homme.
Abbé Barré : Oui, celui de Grandier.
Ibert : Ce truc gluant ne peut être que du sperme.
Abbé Barré : Et ça, qu'est-ce que c'est ?
Adam : Ça c'est une carotte.
Pour Russell « cette ligne comique sur la carotte est
typique des nombreuses touches ridicules délibérément saupoudrées que l’on
trouve tout le long du film. Elles étaient conçues pour souligner l’ironie
absurde de ces horreurs commises au nom de Dieu. L’Église fait analyser son
vomi, mais ça n’est pas fait par des chirurgiens tel que nous comprenons cette
fonction aujourd’hui, mais par un barbier et un épicier. Tout le film a été
conçu comme une comédie noire. »
Si Russell voit dans cette histoire
l’opportunité d’affirmer sa foi, pensant que filmer un blasphème n’est pas
blasphémer, la censure, ses producteurs, les critiques et une partie du public
ne va pas le comprendre ainsi. « Je
veux mettre les gens en colère, les faire réagir à ce qu’ils voient. » Ken
Russell ne croit pas si bien dire. Réussissant l’exploit de mettre les gens en
colère avant même qu’ils n’aient vu son film…
Lorsqu’un responsable d’United
Artists, censé produire le film, lit finalement le scénario, après des mois de
pré-production, le studio panique et se retire. Pendant plusieurs mois Russell
va chercher où il pourra développer son projet jusqu’à ce que la Warner
accepte. Une fois en montage, commence entre Russell et la commission de
censure britannique un échange épistolaire sans fin demandant d’innombrables
coupes. Au milieu de petites corrections visant à réduire drastiquement la
violence du film, trois séquences sont réduites à une portion congrue :
l’exorcisme de Sœur Jeanne et le Viol du Christ, la torture de Grandier et son
agonie dans le brasier, ainsi que le final qui voit Sœur Jeanne se masturber
avec une relique de Grandier (un morceau de tibia calciné). Et pendant que la
commission oblige Russell à trancher dans son film, la Warner exige à son tour d’autres
coupes. Le film amputé réussit finalement à sortir en Grande Bretagne sous la classification
infâmante du X. Pour la sortie aux USA, la Warner fait pression sur Russell pour
resserrer encore le montage afin d’obtenir un classement R, laissant tous les
plans de nudité frontale sur le carreau… Malgré tout le film écope à nouveau d’un
X ! Le studio américain est si embarrassé par le film que dans sa bande-annonce
il s’excuse pratiquement en déclarant que « Les Diables n’est pas un film pour tout le monde »… Dénaturé
et dépouillé au-delà du raisonnable, Les
Diables parvient encore à provoquer la colère de ses contemporains. Des
milliers de lettres inondent le bureau de la commission de censure, des
rassemblements de catholiques outragés font pression pour interdire la sortie
en salles et dix-sept municipalités bannissent le film. « La grande qualité du film n’excuse pas le
blasphème » justifie Mary
Whitehouse, la voix qui mène le bal des offensés.
Puis à son tour, la critique ouvre le
feu. Pendant que Pauline Kael, l’omniprésente critique américaine, pense que « Russell ne traite pas de l’hystérie, il l’a
commercialise », Russell contre-attaque et accuse Alexander Walker
d’avoir littéralement inventé des scènes dans son papier. Walker explique qu’il
y a des passages monstrueusement indécents, citant un plan du pénis de Grandier
qui se ferait écraser. Quelque chose que le critique a imaginé tout seul. Lors
d’une rencontre des deux hommes sur la BBC, Russell s’emporte : « Je ne fais pas des films pour la critique, je fais des films pour le
public ! » Avec
ironie, Walker lui rétorque que ce dernier n’est pas très reconnaissant, le
film faisant un mauvais score aux États-Unis. « Alors allez donc aux
États-Unis, écrire pour ces putains d’Américains ! » tonne
Russell qui se lève et frappe le critique avec son journal roulé. Suite à cet
incident, Russell regrettera ne pas y avoir glissé de pied de biche, puis à la
mort du critique, en 2003, il ira jusqu’à vouloir en endosser la responsabilité
!
Suite à sa sortie catastrophique, le
film va rapidement sombrer dans l’oubli partant lentement en lambeaux. Une
nouvelle version européenne amputée de trois minutes supplémentaires par
rapport à ce qui reste de la version américaine circule ensuite. « C’était l’incroyable film qui rétrécit, chaque fois que vous le voyiez,
il manquait quelque chose de plus » déplore aujourd’hui Joe Dante. Désormais,
il est en partie restauré grâce au British Film Institute qui a sorti une
édition DVD reprenant le cut anglais, et un fan distribue un bootleg de piteuse
qualité avec la scène du Viol du Christ réincorporée dans le film, qui reste toujours
loin d’être complet. Un bootleg fait, d’après son auteur, pour motiver, semble-t-il
en vain, la Warner à autoriser une édition uncut du film. Russell déclarait peu
avant sa mort que la Warner n’avait jamais aimé le film. « Ils ne l’ont pas aimé en 1971 et ils ne
l’aiment toujours pas aujourd’hui, ils ne veulent rien avoir à faire avec. »
Si l’on compare le film de Russell à L’Exorciste de Friedkin, on constate
qu’ils partagent tous deux les mêmes images : possessions, vomis,
insultes, masturbation avec un crucifix, marche à quatre pattes sur le dos… Et
pourtant quel contraste entre la destinée de ces deux films. Dans son livre,
Crouse développe une série de théories qui pourraient expliquer cette
différence de traitement. Kael pense que jamais le film de Friedkin n’aurait pu
sortir ainsi, sans coupe et sans classement X, s’il n’avait pas coûté si cher,
s’il n’avait pas été américain et s’il n’avait pas été l’adaptation d’un roman
alors populaire. Et puis, contrairement au film de Russell, L’Excorciste se pose comme un véritable film de propagande pour
l’Église. Alors peut-être est-ce là que se niche ce qui condamne Les Diables à un exil culturel sans
précédent : dans cette dimension profondément antiautoritaire, étaler
l’horreur provoquée par le pouvoir combiné de l’État et de la Religion…
Il est déroutant de se dire qu’à cette
époque culturellement bénie où de telles choses ont pu être tentées, le public
n’était pas prêt à les recevoir. Reste la tragédie d’un film qui semble être
réduit à devoir incarner ce dont on l’a pourtant amputé. Les Diables ne peut être réduit à ses excès, il est le contrepoint
tragique d’un propos d’une profonde moralité, exaltant la rédemption d’un homme
contre la corruption de son époque.
Fignolé de toutes parts, soutenu par
un texte et une interprétation subtile et enthousiasmante, magnifié par une
mise en scène profitant des contrastes offerts par la chair vivante des nonnes
éclatante au milieu des tenues noires et des murs blancs, Les Diables reste, dans ce qu’on peut en voir, un chef-d’œuvre du
cinéma anglais, un de ces films qui représentent un aboutissement intellectuel
et artistique pour son auteur. Un film qu’il faut voir, pour continuer à le
faire vivre.
Les Diables est
un film maudit et la Warner en aurait honte ?
Qu’elle aille aux Diables !
Raising Hell : Ken Russell & the unmaking of the Devils,
Richard Crouse, ECW Press, 2014
The Devils, DVD BFI, 2012
The Devils, DVD BFI, 2012