Juillet 1981, quelque part dans
le désert australien, on tourne une cascade dangereuse pour la suite de Mad Max. La voiture s’élance, arrive à
toute vitesse sur la rampe et fait un bond dans les douves qui entourent le
campement des pionniers. La cascade semble réussie mais le conducteur, Max
Aspin, n’a que faire des félicitations des techniciens et va directement voir
le réalisateur, George Miller. Aspin juge sa performance pas assez
spectaculaire et souhaite refaire la cascade. C’est la troisième prise et cette
fois-ci, agacé par le temps d’attente qu’aura demandé la mise en place de la
scène, Max écrase le champignon. La voiture s’envole, semble planer un instant
et se fracasse lourdement. L’équipe acclame l’exploit mais Max est coincé dans
l’habitacle. Le moteur a traversé le tableau de bord, sa cheville est brisée et
il s’est tassé plusieurs vertèbres… Il est évacué à l’hôpital. Quatre jours
plus tard, il sera de retour sur le plateau. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond
chez Max Aspin ? De sa jeunesse passée dans les Stock-cars jusqu’à cet
hiver 1981 où il connaît la gloire en tant que responsable des cascades de Mad Max 2, des années les plus noires
jusqu’à sa rédemption, la vie de Max ne semble animée que par le carnage et la
tôle froissée…
Ce qui mènera Max à devenir l’un
des plus grands cascadeurs du monde, c’est sa passion pour la course
automobile. Une passion qui l’anime depuis qu’il est un petit gamin des années
50, grandissant dans la banlieue paisible de Sydney, qui s’excite dans les courses
de Billy Cart, des espèces de caisses à savon. Les années passent et Max troque
les voitures en bois pour celles des Stock-cars, boostant l’immaturité des jeux
de l’enfance grâce aux performances du moteur à explosion. « J’ai vraiment
apprécié le Stock-car, c’est un sport où l’on doit se crasher volontairement
les uns contre les autres. J’ai aimé cette poussée d’adrénaline qui manquait sûrement
à ma vie. » Il passe rapidement à la vitesse supérieure et s’engage
dans les courses de vitesse des Super Sedan Holden. Max est un bon pilote et il
aurait probablement pu faire carrière dans le sport automobile. Le problème, c’est
qu’atteindre l’arrivée sans anicroche n’est pas vraiment ce qui l’intéresse. « Lorsque j’ai vu les voitures qui m’arrivaient dessus j’ai baissé la
tête, et il y a eu un crash énorme entre ma voiture et six autres voitures de
course qui ont salement morflé. Les pilotes sont sortis de leur bagnole, jetant
leur casque par terre de colère. J’ai rampé hors de la mienne et, pendant que
je jetais un œil aux épaves, je souriais et me disais en moi-même… ‘’C’est
cool !’’ » C’est lors de ces rallyes qu’il commence à se faire
une réputation et qu’il hérite d’un surnom, « Mad » Max, bien des années avant que le film n’arrive sur les
écrans.
Lorsque les Hell Drivers, un groupe
de cascadeurs français, arrivent en Australie, un de leurs pilotes se blesse et
se retrouve paralysé. José Canga, le directeur du show, appelle Max et lui
demande s’il serait intéressé pour le remplacer lors d’une soirée. Le spectacle
des Hell Drivers consiste à enchaîner sur une piste toute une flopée de
numéros : faire rouler des voitures sur deux roues, prendre des tremplins
à toute vitesse, passer au travers de cerceaux enflammés… C’est un cirque
ambulant où les clowns sont des cascadeurs et où les animaux ont des moteurs.
C’est ainsi que Max fait son premier show à Melbourne. « J’étais très excité à l’idée de faire mon
premier tonneau, mais la voiture s’est simplement retournée sur le toit,
glissant le long du bitume et provoquant une nuée d’étincelles. J’étais déçu
parce que ce n’était pas un tonneau complet. Pour la seconde partie du show, j’avais
un nouveau tonneau à effectuer et ce coup-ci, j’étais déterminé à le réussir !
J’ai soulevé la rampe plus haut que prévu et je l’ai prise à 130 km/h au lieu
des 80 programmés. Résultat, j’ai fait dix tonneaux. Mon équipement de sécurité
a cassé alors j’ai rebondi partout dans la voiture. Mon bras est passé par la
fenêtre et la voiture s’est écrasée dessus. Quand j’ai quitté le stade dans
l’ambulance, j’ai jeté un coup d’œil à mes collèges pilotes qui préparaient la
prochaine cascade, je me suis dit que c’était probablement la première et la
dernière que je faisais avec eux… »
Canga vient alors féliciter Max à l’hôpital. « T’en fais pas pour tes blessures, il m’a dit. C’était l’une des
cascades les plus spectaculaires que j’ai jamais vue et la publicité que ça va
nous faire nous assure une sacrée foule pour le prochain show ! » Max va rester trois ans avec les Hell Drivers,
écumant l’un après l’autre les circuits de l’Australie et de l’Asie du Sud Est.
À cette époque, Max ne boit pas mais il va rapidement s’y mettre au contact des
Français. « Ils m’ont tendu une
bouteille de scotch et m’ont dit que si je voulais être un Hell Driver, il
fallait que je boive ! Après chaque show on se retrouvait donc à l’hôtel
et on picolait un peu, pour fêter le fait qu’on était toujours vivants ! »
Entre ses tournées, Max doit travailler
pour ramener de l’argent. Il enchaîne donc les petits boulots, comme conducteur
de bulldozers, ou de gros engins de chantier. C’est un de ses collègues qui
repère un jour une annonce publiée dans le journal : « recherche cascadeur, entraînement complet
offert », et en fait part à
Max qui saute sur le combiné. 1970, il a 23 ans lorsqu’il entre à l’école de
cascadeur dirigée par Peter Armstrong, l’un des premiers cascadeurs australiens.
En plus de se perfectionner sur la conduite de précision, il apprend plein
d’autres choses amusantes comme se battre avec différentes armes, tomber d’un
cheval ou à chuter de hauteur diverses.
Après un an d’école, Max commence
à décrocher des jobs sur des publicités ou des séries TV comme Wanted ou Spy Force où il s’occupe de choses mineures, comme des bagarres ou
des poursuites en voitures relativement simples. À force de partir pour des
tournages il finit par se faire virer de partout. Il décide donc de devenir
cascadeur professionnel et d’abandonner tous les petits boulots. D’années en
années il décroche des contrats de plus en plus intéressants et en 1974, il
participe au tournage de Man from Honk
Kong, un célèbre film d’action australien, où il travaille sous les ordres
du légendaire Grant Page, le plus grand spécialiste du métier.
En 1977, il passe une audition devant les coordinateurs de
cascades australiens chargés de juger des capacités de Max. C’est ainsi qu’à
trente ans à peine il accède au rang de coordinateur, responsable des cascades
d’un film et devient apte à diriger ses collègues. Son talent est largement reconnu
par ses pairs et le développement que connaît alors le cinéma australien lui
promet une carrière fructueuse. La même année, il est approché par George
Miller pour s’occuper des cascades de Mad
Max mais le boulot échoit finalement à Grant Page. Aspin ne va pourtant pas
tarder à travailler avec Miller. Trois ans plus tard il le retrouve sur le
tournage de Chain Reaction, un polar
écolo gorgé d’action, réalisé par Ian Goddard et qui reprend une partie du
casting de Mad Max (Mel Gibson compris,
pour un tout petit rôle non crédité). C’est Miller lui-même qui occupe le poste
de réalisateur de seconde équipe, notamment chargé de mettre en boîte les
poursuites automobiles... « À
un moment je devais défoncer un portail avec une voiture. Aux États-Unis,
normalement, vous avez une barrière fabriquée spécialement par le département
des effets spéciaux, là, on a juste défoncé la barrière de la ferme d’un gars… »
The Chain Reaction
Le film n’est peut-être pas très bon,
mais sa rencontre avec Miller l’emmène l’année suivante, en 1981, à être engagé
comme responsable des cascades du plus gros film australien de l’époque : Mad Max 2. Sa femme, Dale, va s’occuper
des animaux du film. Depuis des années elle a recueilli près de deux cents
animaux qu’elle dresse pour les besoins du cinéma et de la télévision. Parmi
ses bêtes, on trouve des dromadaires, des ânes, des serpents, des kangourous,
des émeus, un singe ou des cochons sauvages. Sur le film, sa tâche principale
est de s’occuper de Dog, le chien de
Max, un Blue Heeler sauvé d’un refuge où il allait être
euthanasié. Dale avait commencé sa carrière comme cascadeuse, mais une
expérience traumatisante sur le tournage des Voitures qui ont mangé Paris (Peter Weir, 1974) qui a failli lui coûter
la vie, et un terrible accident sur le plateau de Starstruck (Gillian Armstrong, 1981) d’où elle réchappe miraculée
l’ont convaincue de tourner le dos au métier. Quelques mois avant le début du
tournage, Max Aspin débarque donc dans le désert à Broken Hill, là où l’équipe
technique commence à s’installer, pour assurer la pré-production des cascades. « Avec le chef mécanicien Dave Thomas, on a
choisi quelles voitures allaient faire quelles cascades puis on a visité les
lieux de tournage pour décider des endroits où on allait travailler, en
collaboration avec George Miller et Dean Semler, le directeur de la photo, qui
donnait son avis sur la lumière. »
Aspin engage ensuite les autres cascadeurs du film, dont son vieux complice
Bob Hicks.
Le film s’ouvre sur une poursuite entre le héros et un
groupe de maraudeurs qui se conclut sur un tonneau spectaculaire. C’est Aspin
qui s’en occupe. « La nuit suivante,
on a visionné les rushs et toute l’équipe m’a donné une standing ovation.
C’était parce que c’était la première cascade du tournage. Le ton du film a été
fixé à partir de là. » Le reste sera à l’avenant, et les blessures
plus ou moins graves vont se multiplier, mais au final, le résultat est, sur l’écran,
toujours aussi impressionnant près de 35 ans après. Dans sa chambre d’hôpital,
Max reçoit la visite de l’équipe de TV japonaise qui couvre le tournage, plutôt
choquée par l’accident du vol plané dans le fossé. « Les Japonais m’ont offert un porte-bonheur pour la chance, je leur ai
dit ‘’c’est sympa les gars, mais c’est un peu tard !’’ »
Lorsque Aspin prépare la cascade
du buggy traîné par le camion que conduit Mad Max, il est question de faire un
tonneau, puis que le buggy soit traîné sur quelques mètres, provoquant une
gerbe d’étincelles, avant que la caméra ne coupe et que le camion ne s’arrête.
Le premier problème, c’est que le buggy se retourne beaucoup plus violemment
que prévu et se fait brutalement promener de droite à gauche. Le second, c’est
que l’équipe a beau tenter de prévenir le conducteur du camion qu’il faut qu’il
s’arrête immédiatement, ce dernier n’entend pas l’ordre et continue de rouler
sur plusieurs centaines de mètres. Par chance, Dean Semler a laissé tourner sa
caméra, alors une fois qu’on a constaté que Max respirait encore, tout le monde
se congratule d’avoir mis en boîte une scène aussi spectaculaire !
Avec la sortie et le succès de Mad Max 2, Max Aspin est au sommet de
son art. « Le plus grand compliment
que j’aie jamais reçu pour le film est venu de Sean Connery. Quand j’étais
jeune, j’étais un très grand fan de James Bond, alors quand il m’a invité à Hollywood pour discuter des cascades de Jamais
plus jamais, je m’y suis précipité. J’arrive
chez lui, je frappe à sa porte et je le vois là, devant moi… Après m’avoir
serré la main il m’invite à entrer chez lui où il y avait un autre gars en
train de jouer avec une console Nintendo. À ma grande surprise, c’était George
Lucas ! J’ai alors été sacrément touché lorsque Sean Connery m’a dit
que les cascades de Mad Max 2 étaient
parmi les meilleures qu’il ait jamais vues. Je ne pouvais recevoir un plus beau
compliment que de la part de James Bond lui-même. »
Max et un pote à lui, cachés sous le costume du monstre pour un plan au téléobjectif.
Durant les années qui suivent,
Max Aspin et sa femme Dale vont régulièrement travailler ensemble sur des films
comme le fantasque Razorback en 1983
et le rigolo Crocodile Dundee en 1985
où Dale apporte, entre autres animaux, son buffle pour une des scènes les plus
mémorables du film ! Mais au-delà de son succès, Crocodile Dundee n’offre pas vraiment à Max Aspin la possibilité
de mettre à l’œuvre un savoir-faire qui ne sera plus jamais exploité à sa juste
mesure. « Mon job était de coordonner quelques détails, comme des bagarres. J’y
ai également joué des petits rôles, au second plan, comme un ivrogne dans le
bar. On m’a dit ‘’faut que tu joues un ivrogne’’, ‘’ok, j’ai juste à être
moi-même alors !’’ »
Max dans Crocodile Dundee, puis avec sa fille et le fameux buffle du film !
En attendant, George Miller
rempile avec Mad Max au delà du dôme du Tonnerre en 1984 et si
Dale est de la partie, c’est Grant Page qui reprend son poste de coordinateur
des cascades. « J’étais un peu
énervé de ne pas avoir été engagé pour le film, mais Grant pouvait l’être également
de ne pas avoir été repris pour le second, vu qu’il avait fait le premier… Il a
dû se demander ce qu’il avait fait de travers… Bref, ils m’appellent et me
disent ‘’les choses ne tournent pas vraiment rond ici, tu peux venir nous
aider ? On va bien te payer !’’ J’ai dit non… Vous n’avez pas voulu
de moi pour le film ? Ben alors barrez-vous ! »
À partir de cette époque, Max ne
retrouvera donc jamais de films à la hauteur de son talent. Les années qui
suivent, il travaille sur Sky Pirates,
un improbable film d’aventures aussi oubliable qu’oublié, et sur le nullissime The Howling 3 The marsupials, qui tente
de manière incongrue de transposer le mythe du loup-garou en Australie en
mettant en scène des monstres mi-hommes mi-marsupiaux. « Le réalisateur était vraiment bizarre et
l’histoire était si stupide et les acteurs si mauvais que j’ai vite compris que
ce film ne ferait jamais d’argent, ce qui a été le cas ! »
Sky Pirates, Max se fait casser la gueule !
Sur le tournage de Sky Pirates, Max Aspin va bosser avec
son copain Christian Allan, un cascadeur sud-africain, sur son projet Boat Wars, un concept né d’une idée
toute simple : troquer le désert de
Mad Max par les rivières des Philippines et les bagnoles par des bateaux.
Après les heures de tournage, Aspin et Allan se retrouvent à l’hôtel, éclusent
des bouteilles, et écrivent leur scénario. Ils partent ensuite à Manille pour
faire des repérages et chercher des bateaux pouvant être modifiés pour les
besoins de leur histoire. Un jour, ils rencontrent un type qui leur propose d’aller
voir de vrais pirates… « On rencontre
les gars, on leur sert la main et on voit qu’ils ont des sabres, des armes de
poing partout sur eux… On avait une glacière pleine de bières australiennes
avec nous, alors on leur paye un coup à boire ! On ne savait pas que ces
pirates étaient si dangereux que généralement ils kidnappaient tous les
étrangers qu’ils rencontraient et demandaient une rançon. Si vos proches ne
payaient pas, ils vous tuaient. On n’avait pas pensé à ça ! Je descends
aux toilettes et il y avait une petite porte ouverte, la pièce était remplie de
flingues… Ils nous disent qu’ils sont en guerre avec le gouvernement, qu’ils
cherchent à le renverser et qu’ils veulent qu’on les filme. On s’est dit que c’était
une idée géniale, qu’on pourrait revendre les images et que ça nous ferait un
paquet de pognon mais Allan m’a dit ‘’oui, mais s’ils perdent la
bataille ? On va être très mal !’’ On est sur le pont du bateau et je
commence à plaisanter avec eux : ‘’Alors les gars, qui s’occupe des
viols ? Qui s’occupe des pillages ?’’ Un petit gros se tourne vers
moi et me dit ‘’moi je m’occupe des viols, et lui, il s’occupe du
pillage !’’ On est retournés fissa au motel, on a fait nos bagages et on
s’est barrés ! Plus tard j’ai vu la photo de l’un des gars, c’était l’un
des mecs les plus recherchés du pays ! »
Le projet suit son cours, le
scénario est écrit et le film est budgété à hauteur de cinq millions de
dollars. Allan et Aspin prévoient d’engager une partie de l’équipe de Mad Max 2 (la costumière Norma Moriceau,
le directeur artistique Graham Grace Walker ainsi que les responsables des
effets spéciaux ou de la mécanique) et surtout, ils offrent le poste de
réalisateur au directeur de la photo Dean Semler. Il a travaillé, entre autres,
sur Mad Max 2 et 3 et sur Razorback, son
talent est reconnu et célébré par l’industrie du cinéma et il s’apprête à
bosser pour son ami Kevin Costner sur Danse
avec les loups pour lequel il recevra un Oscar. « Pour moi c’était un film de cascades fait par des cascadeurs »
explique Aspin. « J’avais l’idée de bateaux qui se fracassaient
les uns sur les autres et j’avais trouvé une compagnie qui avait développé des
caméras spéciales, des sortes de steadicam pouvant aller sur l’eau. J’en ai
parlé à Semler et je lui ai expliqué qu’on pourrait faire le film avec ce genre
de caméras… Il est ensuite allé voir Costner et ils ont fait Waterworld ensemble. J’ai pensé aller à Hollywood pour
faire un procès mais on me l’a déconseillé, on m’a dit qu’ils allaient nous
détruire. »
Boat Wars
Sorti en 1995, Waterworld est-il un projet né de ce Boat Wars qui ne verra jamais le
jour ? Max Aspin semble en être persuadé. Le film de Costner a pourtant
été co-écrit par David Twohy (qui ne se cache pas de s’être inspiré de Mad Max 2) et par Peter Rader à partir
d’un scénario qu’il aurait rédigé en 1986, soit à la même époque où Boat Wars est couché sur le papier. De
ce film avorté, il ne reste aujourd’hui qu’un scénario et des dizaines de
dessins préparatoires, dont certaines idées semblent avoir parcouru les
décennies pour se retrouver aujourd’hui sur les écrans.
Pour Max, l’argent commence à
manquer, alors il saisit l’occasion que lui offre Allan d’aller travailler aux États-Unis
sur un film avec David Carradine. Arrivé chez Carradine, Aspin comprend que le
film ne se fera pas mais il est engagé par la star de Kung Fu pour l’aider à déménager et surveiller sa maison lorsque
ce dernier est en déplacement. Alors qu’un jour il est en train de charger le
bus scolaire jaune que Carradine utilise pour trimballer ses affaires, il voit
débarquer un groupe de bikers. « Ils demandent où est David et m’expliquent
qu’il leur doit l’argent de la location de la maison. Le chat des Carradine se
met à gratter la jambe d’un des gaillards qui l’expédie plus loin d’un coup de
pied à l’estomac, ce qui énerve immédiatement madame Carradine. La tension
monte et les types se mettent alors à exiger de l’argent. À ce moment David
arrive au volant de sa limousine et demande ce qui se passe. Les bikers lui
disent que s’il ne paye pas immédiatement, ils vont le découper en morceaux,
lui, son pote et la baraque. J’ai murmuré à l’oreille de David, ‘’tu sais, moi
je ne suis qu’un cascadeur qui fait semblant de se battre’’, ce à quoi David me
répond ‘’tu sais, moi je ne suis qu’un acteur qui fait semblant de se battre’’…
David leur a alors dit ‘’Attendez là les gars, je rentre vous chercher quelque
chose.’’ David est rentré, nous a servi un grand verre de vodka et a ensuite
sorti un 44 Magnum d’un tiroir. Sa femme m’a dit ‘’Va dehors et préviens-les de
ce qui se passe !’’ Ils ont filé en un éclair. Ils devaient savoir que
David avait tendance à braquer son arme sur les gens qu’il n’aimait pas ! »
Max reste quelque temps encore
chez les Carradine, mais une tragédie va l’obliger à rentrer précipitamment en
Australie. Son fils, Shaun, vient de se
suicider et il en ignore la raison. Max et Dale vont alors se déchirer, se
rejetant la responsabilité du décès de leur fils, ignorant les conditions
réelles de sa mort. Étranglés par des soucis financiers, ils sont obligés de
vendre leur ferme et Dale, terrassée de chagrin, doit se résoudre à se séparer
de tous ses animaux, abandonnant là sa passion et son métier. La situation
catastrophique que le couple et leur fille traversent va faire sombrer Max dans
l’alcool. Il décroche tout de même un contrat pour une publicité où il doit se
jeter d’un ponton en moto. « J’avais toujours avec moi une bouteille de
scotch et je buvais pendant que l’équipe technique tournait d’autres scènes
avant la cascade. Attention, je ne buvais pas pour me donner du courage, je
buvais parce que j’avais envie de boire. Après le déjeuner, je suis allé au bar
de l’hôtel où j’ai rencontré un marin russe… Je me suis réveillé le lendemain
matin, au large, à bord d’un chalutier russe… J’ai réalisé ce que j’avais fait
et que j’allais coûter à la production des milliers de dollars en reshoots… Des
semaines plus tard, j’ai chopé un autre boulot, mais je suis arrivé sur le
plateau tellement bourré que je me suis fait dégager direct. L’industrie en Australie
est toute petite, les bruits à propos de mon alcoolisme ont vite fait le tour
et le téléphone a alors cessé de sonner… »
Un jour qu’il se retrouve à
picoler avec des aborigènes, il voit un avion dans le ciel. Il se dit qu’il y a
quelques années, c’est lui qui aurait pu être dans cet avion… « Je me suis demandé ce qui m’était arrivé, et
puis j’ai décidé d’aller en rehab… » Sorti de sa cure, Aspin décide de se reprendre en main. L’industrie
du cinéma n’est désormais pour lui qu’un souvenir. Mais un jour, devant une
émission de TV où un type bat un record avec des dominos, il a une idée :
pourquoi ne pas battre un record mondial ? « La seule chose où j’étais vraiment bon,
c’était faire des tonneaux avec des voitures, j’avais passé trois ans avec les
Hell Drivers à faire ça, trois jours par semaine… » Aspin va voir un promoteur et lui
explique qu’il veut faire faire des tonneaux à dix voitures différentes en
moins de dix minutes. « J’ai dit que
j’aurai cinq voitures à chaque bout de la piste, avec une rampe de chaque côté.
Après avoir retourné la première voiture je me jetterai dans la suivante et je
l’enverrai sur la rampe d’en face, et je répéterai l’opération jusqu’à ce que
les dix tonneaux soient faits. » Le show est retransmis à la TV
et Aspin retourne les dix voitures en moins de huit minutes ! Le record
mondial est battu et Max Aspin entre au Guinness book des records.
Le téléphone se remet enfin à
sonner et, de toute l’Australie, des promoteurs souhaitent l’inviter pour qu’il
tente de battre son propre record sur leurs circuits. Max enchaîne les shows,
trouve de nouvelles manières de faire faire des tonneaux aux voitures, augmente
la vitesse pour plus de spectacle. Il retrouve l’acclamation des foules et ces
poussées d’adrénaline qu’il aimait tant mais après une douzaine de shows,
exténué, il doit prendre la décision d’arrêter. « Après m’être donné en
spectacle dans tous les circuits d’Australie, mon corps m’a commandé d’arrêter
en me faisant comprendre que trop c’était trop. J’ai donc pris ma retraite. Je
ne suis jamais retourné dans l’industrie du cinéma. J’ai développé de
l’arthrite à cause des nombreuses blessures accumulées au cours des années et
deux ans plus tard j’ai subi une sérieuse crise cardiaque… » Diminué, affaibli, Max ne peut plus
conduire. Avec Dale ils vivent toujours sur la côte Est australienne, près de
Sydney, et espèrent qu’ils pourront, un jour, quitter leur petite maison et
finir leur vie dans une ferme, au milieu d’animaux.
Douglas Mc Arthur a dit « les vieux soldats ne meurent pas, ils
disparaissent simplement ». Je dirais la même chose des vieux cascadeurs…
Max aux Pinnacles, où Mad Max 2 a été tourné en Septembre 2015...
Max a disparu le 24 Février 2016. Je l'avais rencontré à plusieurs reprises pour l'interviewer et l'écouter me raconter ses histoires pendant des heures. Je garde le souvenir d'un gars incroyablement jovial qui débordait de gourmandise, tout le temps en train de rigoler... So long mate...
Cet article avait été publié dans AAARG #11 en Décembre dernier.
So long mate...
Super article, merci melvin
RépondreSupprimerUn grand merci pour cet article. JMi
RépondreSupprimervraiment tres interessant!
RépondreSupprimermerci Melvin par ce travail remarquable pour la vie exceptionelle de ce grand messieur qui a inscrit son nom dans le livre du cinéma
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