Ron Cobb : Je
crois que j’ai une fascination enfantine avec la science. La plupart de mes
amis au lycée voulaient aller dans ce sens. Les années 50 étaient une époque
très anti-intellectuelle et pour moi la posture la plus importante que l’on
pouvait prendre était celle de l’intello, celle de la rationalité contre une
sorte d’émotivité collective, pas une véritable émotion, mais une émotivité
collective qui baignait dans une paranoïa du changement et dans une confiance
énorme dans les valeurs chrétiennes fondamentales, dans les valeurs
patriotiques baignant dans une peur terrible du communisme. La seule chose qui
avait un grand potentiel pour contrer ça, c’était adopter un point de vue
rationnel, et voir le monde en termes scientifiques. C’était, à l’époque, une
position tactique que je pouvais prendre avec mes amis. J’ai également ressenti
une crainte pratiquement religieuse sur ce que la science pouvait révéler. Les
implications de la physique et de l’astronomie étaient fantastiques pour moi et
ont élargi mon horizon à l’infini. J’ai grandi ainsi, avec cette gigantesque confiance
dans la science.
source : Rocket Blast #148 - 1979
Illustration du Nostromo tel que Cobb l'imaginait, avec une partie rotative créant une pesanteur artificielle...
Dans
les années 50, ils ont commencé à faire des films de science-fiction plutôt
crédibles qui ont commencé à m’exciter. Dans les années 60, 70 ou 80, à travers
mon travail dans le dessin politique, j’ai utilisé des dispositifs propres à la
SF, comme le futur ou les mondes post-apocalyptiques, comme un moyen pour
commenter quelques-unes des choses effrayantes qui se déroulent dans ce monde.
J’étais aussi intéressé dans la spéculation vis-à-vis de l’évolution humaine et
comment la sélection naturelle nous a laissé avec de puissantes prédispositions
neuronales qui comptent pour une
grande partie de notre comportement.
Je n’ai jamais perdu ma fascination pour l’autre, l’inconnu,
ce qu’il y a de l’autre côté du coin de la rue, et plus que tout, pour les
possibilités de l’espace et du voyage dans le temps. Avec mes dessins
politiques, j’ai commencé à réaliser que la science occidentale est
socialement, et politiquement, le moyen le plus fiable pour savoir tout ce
qu’il y a vraiment à savoir, et souvent cette perspicacité est vitale. Ca a
toujours été mes intentions cachées. J’ai toujours été ennuyé par la pseudo
science, la superstition, l’hypothèse perpétuelle que nous savons quelque chose
parce que nous le préférons, ou que c’est une idée qui doit être révélée,
sacrée ou autoritaire. La science est humble, elle se corrige elle-même. Elle se développe et
est de plus en plus utile au fil du temps, car elle se remet constamment en
cause grâce à une recherche qui se construit sur les recherches antérieures. Un
bon exemple à ce sujet est comment la science s’applique à changer le monde et
qu’on compte sur elle pour corriger certains risques à long terme provoqués par
ces changements.
C’est un gros sujet, très souvent controversé, mais j’ai toujours voulu exciter les gens à propos des raisons de notre savoir et la façon dont nous réussissons quand nous avons besoin de preuves et d’analyse minutieuse. Cet accomplissement et cette rigueur que nous appelons la méthode scientifique.
C’est un gros sujet, très souvent controversé, mais j’ai toujours voulu exciter les gens à propos des raisons de notre savoir et la façon dont nous réussissons quand nous avons besoin de preuves et d’analyse minutieuse. Cet accomplissement et cette rigueur que nous appelons la méthode scientifique.
L'implication de base de la méthode scientifique c’est que vous devez répondre à toutes les possibilités qui pourraient vous donner tort.
Si vous ne le faites pas, d’autres le feront en dupliquant
vos expériences. Même
si il y a des egos en lice et des escroqueries évidentes dans la recherche scientifique, de toutes évidences, la
science se corrige elle-même.
source : Lumina #2 - 02/2010
Je
pense que les films devraient un peu plus mériter le temps qu’on y consacre. Je
veux des idées intéressantes. Je ne veux pas passer une heure à être vaguement
amusé. Je
ne parle pas de sagesse, ou d’une prédication sérieuse, je parle simplement d’influence
artistique, de propagande si vous voulez, dans toutes les directions. J’aimerai que les gens qui font des films
aient plus d’opinions, plus d’idées qui m’inciteraient à réfléchir. C’est le
meilleur moyen d’utiliser son cerveau et c’est en plus distrayant.
La science-fiction a
le potentiel d’être la mythologie de notre époque. La seule chose qui nous
concerne véritablement, c’est le futur, simplement parce que tous les problèmes
qui nous font face ne peuvent être régler dans le présent ou dans le passé. On
est tous concernés avec le futur et toutes les histoires qui nous familiarisent
avec sont très utiles. On s’habitue avec des idées avant même qu’elles ne
deviennent des problèmes. C’est fantastique de voir la popularité de la SF et
de voir l’impact de Star Wars. Personne n’aurait pu le prévoir il y a 15 ans.
C’est probablement là parce que nous souffrons tous du « future
shock *». Mais je serai le premier à dire que Star Wars ne propose pas
grand-chose de perspicace en termes d’aperçu de là où nous allons… même si c’est
dans la bonne catégorie. Même si ça nous apprend à nous confronter avec la
dimension qui sera notre salut, ou notre destruction.
Ca intéresse les gens
et ils veulent en parler, y penser. C’est une honte qu’on n’en parle pas, ou
qu’on n’y pense pas, comme on le devrait maintenant qu’on a l’attention de tout
le monde. Ils continuent de balancer des trucs à la Buck Rogers ou à la Flash
Gordon aux gens… Et ce n’est pas qu’ils n’ont pas des côtés funs, il n’y a rien
de mal avec les films funs, mais à côté de ça j’aimerai voir plus d’idées, de
satire ou de stimulation. Nous sommes à la hauteur, on est tous capable de le
faire. Tout le monde veut plus d’idées et y penser, nous devrions retrouver ça
dans les films.
*Le terme de « Future Shock »
décrit l'état psychologique des individus et des sociétés confrontés à une
impression que « trop de changements se passent en trop peu de
temps » (wikipedia)
source : Starlog #57 - 04/1982
Bon, l'industrie du cinéma est bien sûr, dans
une large mesure, une entreprise. Ils installent dans le modèle
de réussite de la science-fiction des films étant des échappatoires, des
montagnes russes, et c’est là que je pense qu’ils se trompent. Ils n’ont pas
tort s’il on pense au public qui se masse dans les salles, mais je pense qu’il
y avait une époque où il y avait cette idée de représenter un vol vers la lune
ou quelque chose du genre, comme dans Destination Lune, ou ces films de George
Powell faits dans les années 50 et 60. Il y avait un véritable enthousiasme
pour la science et ils ont essayé de rendre ça réel. J’ai été électrisé par ces
films. Puis, plus tard, ils se sont installés dans ce que j’appelle l’orthodoxie Lucas. C’est une sorte de raccourcis dans la manière
de représenter le vol ou l’environnement spatial, l’univers entier. Pour être
spécifique, la façon de représenter le vol spatial s’est installé dans un
stupide ciel de nuit où tout est à l’endroit et où vous entendez les sons… Vous savez qu’il y a là une opportunité loupée
pour dépeindre réellement l’environnement le plus naturel dans l’univers :
l’espace.
(...)
Dites moi Ron, vous avez fait des
conférences à l’université sur la science au cinéma ?
Ron Cobb : Oui, j’ai commencé par une
présentation en montrant un vieux film de science-fiction qui époustoufle généralement
les étudiants et les scientifiques, les jeunes scientifiques qui ne réalisent
pas qu’il y a eu cette période plus sérieuse où les films de SF anticipaient
notre entrée dans l’espace et les changements dans la médecine, toutes ces choses.
Ces films faits avec beaucoup d’intégrité, même si ce n’étaient pas de très
grands films. C’était étonnant pour eux de voir ça, par rapport à ce qu’on peut
voir aujourd’hui, et que je qualifierai d’« évasion ». Je rouspète un
peu alors à propos de l’idée que nous devrions utiliser cette opportunité pour
parler un peu plus de comment nous voyons le monde. Pour moi, le moteur
principal de l’histoire occidentale est la technologie et la science, et notre
capacité à comprendre le monde par cette manière. Tout se règle là-dessus, même
la religion s’ajuste sur la science, alors pourquoi ça n’excite pas plus les
réalisateurs ? Je ne pense pas qu’ils devraient être battus à mort à cause
du manque de précision ou de réalisme de leurs films, ce sont des artistes et pas
forcément des enseignants… Mais lorsque je regarde un film de SF, je me dis généralement
qu’il y a des choses bien plus excitantes derrière ce qu’on me montre. Et dans
le processus d’aller au-delà de ce qu’on nous raconte habituellement, j’ai connu
des succès, mais j’ai aussi perdu de nombreuses batailles. L’orthodoxie
Lucas-Roddenberry* continue de régner…
(…)
Quoiqu’il
en soit… il n’y a aucun moyen de savoir à coup sûr ce que sera le futur et bien
sûr dans la science-fiction vous essayez simplement de synthétiser une
hypothèse. Vous essayez de faire face avec quelque chose qu’aucun d’entre nous
ne connait ou ne saisit. Je comprends qu’on ne pinaille pas là-dessus, mais au
moins ça devrait être aussi plausible que possible. Je veux dire qu’il y a
tellement de chose aujourd’hui en cosmologie et dans d’autres domaines dans
lesquels nous avançons, comme l’intelligence artificielle et l’environnement
informatique, que c’est extraordinairement intéressant…
*Gene
Roddenberry, créateur de Star Trek.
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